
Le but de l'ASRI est de développer, diffuser le courant de pensée et d'action créé par Simonne Ramain.
Attention et attente
Le mot attente, comme le mot attention, est composé, étymologiquement, du verbe latin tendere et de la préposition ad, ce qui signifie littéralement : tendre vers…Vers quoi ?
Voici donc la première question que je pose : attend-on sans connaître ce qu’on attend ou attend-on ce que l’on connaît déjà ?
Platon, dans sa théorie de la réminiscence, avait appuyé ce concept sur le mythe des vies antérieures. Nous pouvons garder de Platon l’idée de structures innées, à savoir que la connaissance s’appuie sur une structure préexistant dans l’individu ; donc, tout être qui est en attitude d’attente chercherait la réponse à un manque, à un besoin, voire à un désir, qui est inscrit en lui.
D’où va venir la réponse ? C’est la deuxième question que je me pose.
D’emblée, on est enclin à chercher cette réponse hors de soi. L’être attend des autres, mais n’est-ce pas encore, et surtout, en soi-même que l’on devrait et serait en mesure d’attendre de façon féconde ?
On attend quelque chose de soi en se projetant dans le futur, ce qui est à la base de la motivation. Par l’attente, on fait sienne la notion du temps qui passe.
Ainsi, on peut dire que dans le Ramain, on apprend à attendre.
En effet, dans la plupart des exercices Ramain (exercice au sens où l’on exerce sa capacité d’intérêt, je dirai aussi sa capacité de recherche, sa capacité d’attente) l’animateur propose un résultat à obtenir, fournit le matériel nécessaire et cadre par les consignes le champ d’expérience.
Que fait le participant ? Il cherche…. Et tant qu’on cherche, on attend…
Attente active donc, mouvement vers l’inconnu… : ceci n’est-ce pas parce qu’en chacun de nous existe une potentialité, aussi mince soit-elle ?
Attente souvent non formulée chez le participant, voire inconsciente.
Cette attitude d’attente est plus nette, plus visible, chez l’animateur. Une fois qu’il a donné le matériel et les consignes, il attend d’être interpellé, interpellation dont il prend parfois l’initiative pour permettre à quelqu’un de relancer sa recherche. Il attend que ce moment partagé avec le groupe soit utile pour l’évolution de chacun, y compris de lui-même.
Dans ce sens, ne pourrait-on pas dire que l’animation d’un dossier Ramain est un long exercice d’attente… ?
L’animateur n’est pas le meneur, il entre dans le jeu, tout entier. Il n’est pas celui qui sait, celui qui communique un savoir. Il agit d’égal à égal, dans une perpétuelle recherche en commun, libérée de tout a priori.
Ainsi, le Ramain nous donne ici une définition de la liberté : c’est la possibilité qui nous est offerte de réaliser ce que nous avons en nous de potentialités.
Je voudrais que nous revenions, encore un instant, à notre point de départ : attente et attention.
On peut parler de faire attention d’une manière plus ou moins focalisée. Or Simonne Ramain, même au moment où elle nous demande de faire attention à quelque chose, nous demande de faire attention à tout, à l’objet, à soi-même, au groupe, à l’environnement, à nos expectatives, à nos désillusions, à la complexité d’un phénomène, à la globalité de la situation.
Simonne Ramain nous dit elle-même : « Ne faut-il pas considérer l’attention comme une manière d’être de laquelle naîtrait une attitude d’intérêt ? »
L’attention, définie ainsi, n’est, somme toute, qu’une attente active – pouvons-nous dire – qui, enracinée dans le présent, se déploie dans le temps. L’attention visuelle, auditive… n’est qu’un intermédiaire, « elle n’a été sollicitée que pour être dépassée, n’est qu’un passage vers la vigilance – dit Germain FAJARDO – vigilance qui, constamment éveillée et vivant dans le présent, critique les mouvements de réaction qui entravent la disponibilité », nous dit-il encore.
J’ajouterai : La vigilance est attente. La vigilance accepte que le temps passe, que l’oiseau s’envole. La vigilance est liberté. Je me souviens de ces mots de Simonne Ramain disant : « Pour être ouvert à l’autre, il faut être ouvert à soi ».
Vacance, incomplétude, disponibilité, voilà des mots-clefs de l’attitude Ramain, derrière lesquels nous lisons, en filigrane, le mot attente. L’attente est accueil, l’attente est béance, l’attente est appel…
Simone WEISS Grenoble 1992