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Attention et attente

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Le mot attente, comme le mot attention, est composé, étymologiquement, du verbe latin tendere et de la préposition ad, ce qui signifie littéralement : tendre vers…Vers quoi ?
Voici donc la première question que je pose : attend-on sans connaître ce qu’on attend ou attend-on ce que l’on connaît déjà ?


Platon, dans sa théorie de la réminiscence, avait appuyé ce concept sur le mythe des vies antérieures. Nous pouvons garder de Platon l’idée de structures innées, à savoir que la connaissance s’appuie sur une structure préexistant dans l’individu ; donc, tout être qui est en attitude d’attente chercherait la réponse à un manque, à un besoin, voire à un désir, qui est inscrit en lui.


D’où va venir la réponse ? C’est la deuxième question que je me pose.
D’emblée, on est enclin à chercher cette réponse hors de soi. L’être attend des autres, mais n’est-ce pas encore, et surtout, en soi-même que l’on devrait et serait en mesure d’attendre de façon féconde ?
On attend quelque chose de soi en se projetant dans le futur, ce qui est à la base de la motivation. Par l’attente, on fait sienne la notion du temps qui passe.
Ainsi, on peut dire que dans le Ramain, on apprend à attendre.


En effet, dans la plupart des exercices Ramain (exercice au sens où l’on exerce sa capacité d’intérêt, je dirai aussi sa capacité de recherche, sa capacité d’attente) l’animateur propose un résultat à obtenir, fournit le matériel nécessaire et cadre par les consignes le champ d’expérience.


Que fait le participant ? Il cherche…. Et tant qu’on cherche, on attend…
Attente active donc, mouvement vers l’inconnu… : ceci n’est-ce pas parce qu’en chacun de nous existe une potentialité, aussi mince soit-elle ?
Attente souvent non formulée chez le participant, voire inconsciente.


Cette attitude d’attente est plus nette, plus visible, chez l’animateur. Une fois qu’il a donné le matériel et les consignes, il attend d’être interpellé, interpellation dont il prend parfois l’initiative pour permettre à quelqu’un de relancer sa recherche. Il attend que ce moment partagé avec le groupe soit utile pour l’évolution de chacun, y compris de lui-même.
Dans ce sens, ne pourrait-on pas dire que l’animation d’un dossier Ramain est un long exercice d’attente… ?


L’animateur n’est pas le meneur, il entre dans le jeu, tout entier. Il n’est pas celui qui sait, celui qui communique un savoir. Il agit d’égal à égal, dans une perpétuelle recherche en commun, libérée de tout a priori.
Ainsi, le Ramain nous donne ici une définition de la liberté : c’est la possibilité qui nous est offerte de réaliser ce que nous avons en nous de potentialités.
Je voudrais que nous revenions, encore un instant, à notre point de départ : attente et attention.


On peut parler de faire attention d’une manière plus ou moins focalisée. Or Simonne Ramain, même au moment où elle nous demande de faire attention à quelque chose, nous demande de faire attention à tout, à l’objet, à soi-même, au groupe, à l’environnement, à nos expectatives, à nos désillusions, à la complexité d’un phénomène, à la globalité de la situation.
Simonne Ramain nous dit elle-même : « Ne faut-il pas considérer l’attention comme une manière d’être de laquelle naîtrait une attitude d’intérêt ? »


L’attention, définie ainsi, n’est, somme toute, qu’une attente active – pouvons-nous dire – qui, enracinée dans le présent, se déploie dans le temps. L’attention visuelle, auditive… n’est qu’un intermédiaire, « elle n’a été sollicitée que pour être dépassée, n’est qu’un passage vers la vigilance – dit Germain FAJARDO – vigilance qui, constamment éveillée et vivant dans le présent, critique les mouvements de réaction qui entravent la disponibilité », nous dit-il encore.
J’ajouterai : La vigilance est attente. La vigilance accepte que le temps passe, que l’oiseau s’envole. La vigilance est liberté. Je me souviens de ces mots de Simonne Ramain disant : « Pour être ouvert à l’autre, il faut être ouvert à soi ».
Vacance, incomplétude, disponibilité, voilà des mots-clefs de l’attitude Ramain, derrière lesquels nous lisons, en filigrane, le mot attente. L’attente est accueil, l’attente est béance, l’attente est appel…
Simone WEISS Grenoble 1992

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