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Autrui est une nécessité interne -  Rôle du groupe dans la structuration d'un individu.

Le rôle du groupe dans la structuration d’une personne n’a jamais été controversé, pourtant les choix des moyens mis en œuvre dans la Formation aujourd'hui nous laissent penser qu’on ne lui fait pas confiance ou qu’on le pense tellement évident qu’on le croit inhérent au phénomène groupe. Or, très souvent, le groupe n’a pas les conditions nécessaires pour avoir un rôle actif dans la structuration de chacun de ses membres.

Toute éducation structure. Il peut y avoir une structuration dans le sens où l’on adapterait l’individu à une situation à l’image d’une treille que l’on dirige pour ombrager une terrasse. Mais nous préciserons, à l’encontre de l’image, que la structuration qui doit pour cela évoluer d’une manière harmonieuse sur les plans cognitif, psychologique et émotionnel.

Lorsqu’une personne affronte les situations diverses de la vie il ne suffit pas, pour vivre de manière autonome, d’avoir développé des capacités cognitives qui permettent de communiquer ou de trouver des solutions, faut-il encore qu’elle puisse les transférer malgré les pressions et les frustrations inhérentes aux situations quotidiennes, d’où l’importance d’envisager une structuration ouverte.

Un groupe est en route dès lors qu’il peut élaborer un projet. Chaque individu du groupe est engagé individuellement dans la démarche mettant ainsi en jeu, globalement, ses capacités propres.

Lorsqu’un groupe s’apprête à vivre une situation (par exemple, une situation de formation) on se trouve en présence de plusieurs éléments inhérents à la situation : la tâche à accomplir, le groupe, le temps, les consignes, l’autorité…, tout cela se vivant dans un cadre dont le groupe fait partie.

Un problème est à résoudre : la tâche à accomplir. Nous repérons combien les capacités d’attention, de créativité, de langage, d’organisation de la pensée, d’intérêt, de disponibilité de chacun sont en jeu… Nous repérons aussi combien des facteurs émotionnels sont mis à l’épreuve, ainsi que l’image de soi.

Comme nous l’avons vu, les rôles potentiels du groupe dans l’élaboration de la structuration globale d’un de ses membres, sont à deux niveaux :

-en tant qu’élément du cadre : le groupe est formé de plusieurs personnes différentes les unes des autres susceptibles de s’apporter quelque chose les unes aux autres. Il introduit une notion de complexité propice à une dynamisation de la situation. Le contexte peut être différent suivant l’hétérogénéité et l’importance du groupe.

-en tant qu’élément de la situation : Le groupe est un moyen d’ouverture dans les situations bloquées : il tempère les prises de position comme il les sollicite ; il ouvre de multiples voies et solutions pour dépasser les difficultés rencontrées ; il permet les échanges, un regard différent… Le groupe participe à un travail sur la disponibilité.

Le groupe permet une connaissance de soi : les craintes qu’une personne éprouve alors qu’elle se met en action sont liées à la peur de l’échec et à la peur de soi. Alors que la personne se met en action malgré ses craintes, la réaction des autres l’invite à poser un nouveau regard sur ses démarches, lui donne des renseignements sur elle… l’hostilité envers soi entrave les démarches d’apprentissage ou autres ; le groupe permet un travail d’acceptation de soi.

Ce repérage, qui n’est pas exhaustif, des rôles d’un groupe dans la structuration d’un individu, reste bien au niveau potentiel, car il est loin d’être évident que ces rôles soient réellement mis au service de la structuration des personnes faisant partie de groupes de formation.

La tendance est d’assimiler le seuil d’intégration au niveau de connaissances, il faut toujours en savoir un peu plus et donc emmagasiner toujours plus.

Pour atteindre cet objectif on optera pour une homogénéisation des groupes pas loin de l’élitisme. Le rôle potentiel du groupe par le biais du cadre, empreint de différences à travers l’hétérogénéité et de complexité à travers la multitude d’inter-relations existantes, est ici limité pour ne pas dire compromis. Le concept de différence propice à des échanges, à la confrontation ne peut pas être un support dans l’élaboration de la structuration globale. L’hétérogénéité est considérée comme un frein à « une réussite ».

La recherche en vue de développer les capacités à apprendre reste présente, mais l’objectif reste celui d’atteindre un bon niveau. On n’est pas loin d’identifier l’autonomie à « l’acquisition d’un niveau scolaire » et donc, de substituer au développement des capacités à apprendre, l’acquisition d’un savoir en vue de réussir l’examen.

L’objectif à atteindre détourne ainsi chaque individu d’un travail personnel et actif vis-à-vis de son comportement, de ses émotions, de l’acceptation de soi… C’est pourtant un travail qu’il serait à même de faire, par le biais du groupe, dans le jeu de la confrontation à l’ensemble des éléments et à lui-même. On ne peut pas affirmer qu’il n’y a pas développement des capacités, donc structuration, mais l’évolution se fait par répercussion et partiellement. L’individu n’est pas acteur, le groupe n’a pas joué de rôle actif, la structuration des élèves est activée par l’enseignant dans le « cadre groupe ».

Le groupe, alors que les difficultés scolaires sont importantes, n’est pas reconnu comme occasion d’aide :

Face aux difficultés rencontrées par les apprenants, on prend des mesures de soutien qui, pour être plus efficaces, seront individuelles. C’est parce qu’une personne dirigera l’élève en difficulté qu’il pourra avancer. La personne accompagnatrice aura donc un rôle de développer telle ou telle capacité défaillante, pour qu’il y ait progrès scolaire. Le rôle du groupe dans la structuration est nié.

Dans le fonctionnement de ce type de groupe de formation les rôles potentiels d’un groupe dans la structuration d’un individu ne vivent pas. Le groupe n’est qu’un cadre formel qui permet à l’enseignant de mener certaines actions. Le groupe n’est pas reconnu comme structurant.

Nous avons pu repérer par la même occasion que la personne faisant l’objet de la formation ne peut pas avoir un rôle actif dans sa structuration, elle est à tout instant activée par quelqu’un qui aurait un projet pour elle. On n’est pas loin d’être dans une démarche comportementaliste dans le sens où il est décidé de ce qui est bon pour l’individu et l’on se charge de combler les manques.

Fait-on véritablement confiance à l’individu capable d’être responsable de son projet d’évolution ? Est-il véritablement sujet ?

- Notion d’objectif

La notion d’objectif est un facteur de perversion du projet initial :

L’Éducation Nationale a pour projet de permettre à chacun d’être autonome ; pour cela elle se donne un objectif : atteindre un niveau scolaire donné. L’enseignement, enfermé dans cet objectif, pose les moyens comme finalité : l’enjeu est-il d’apprendre à résoudre tel problème ou est-il de développer les capacités à résoudre un problème ?

En d’autres termes : « résoudre un problème » est-il une finalité ou un moyen ?

Nous l’avons dit en début d’intervention, l’autonomie c’est pouvoir résoudre un problème dans tout contexte. Or résoudre un problème ce n’est pas trouver la solution en dehors de toute implication personnelle. En effet, il ne s’agit pas seulement d’avoir des connaissances liées au savoir pour pouvoir résoudre un problème, il faut pouvoir se risquer à le résoudre, ne pas avoir peur de l’erreur, donc ne pas avoir peur de soi… Il faut pouvoir dépasser ses émotions… Il est donc indispensable que la personne puisse développer toutes ses capacités propres ; « résoudre un problème » en est peut-être l’occasion, donc le moyen.


- Notion de dispositif

La formation devrait avoir pour mission la mise en place d’un dispositif qui permettrait à la personne de se mettre en route pour développer ses capacités propres sans choix préférentiels. Dans ce dispositif, tous les éléments nécessaires à une structuration globale devraient être présents.

Ce dispositif serait analogue aux situations de la vie quotidienne, ce qui ne veut pas dire en être une copie. Une formation devrait permettre à l’individu de se confronter à un ensemble d’éléments dont la complexité pourrait s’apparenter à celle des situations de la vie.

Tous ces éléments, sources de questionnements, permettraient d’une part à l’individu de se mettre en recherche et seraient, d’autre part, facteurs de développement. La recherche engagée sollicite, de l’individu, diverses capacités en vue de dépasser la situation problématique qu’il rencontre à cette occasion.

Les difficultés sont différentes pour chacun. Elles peuvent être d’ordres cognitif et/ou relationnel et/ou émotionnel. Elles peuvent être présentes toutes à la fois, l’une peut-être plus prégnante que l’autre… tout cela dépend de chacun et, seul, chacun est en mesure de connaître, de travailler ses propres difficultés, pourvu qu’on lui en donne les moyens.


- Les éléments du dispositif

C’est à ce point précis que le groupe trouve sa place en tant qu’élément, pour jouer un rôle dans la structuration globale de l’individu.

Dans une situation occasionnée par une formation nous pouvons repérer des éléments : l’individu, le formateur, une tâche à accomplir, des règles, des consignes, le groupe, la notion de temps et d’espace…éléments qui seront autant d’occasions de relations dans lesquelles l’individu pourra connaître ses difficultés mais aussi les dépasser, donc évoluer.

Tout comme la tâche à accomplir, qui peut-être « résoudre un problème de calcul» ou « faire son lit », le groupe a son rôle dans la situation. La tâche à accomplir fera appel à un savoir, à une capacité d’organisation, de créativité…le groupe mettra à l’épreuve l’acceptation de soi, la disponibilité… ; la tâche à accomplir sera l’occasion d’essayer de trouver des démarches différentes et ainsi développer toutes ses capacités cognitives ; le groupe sera, lui, l’occasion d’évoluer dans sa relation aux autres, à soi-même…

 

- du potentiel des éléments à leur efficience

 

Nous reprendrons trois points essentiels :


Ne pas confondre l’objectif et les moyens :

Ne pas fermer un projet de formation à la réussite d’un apprentissage qui élague le travail de développement des capacités donc de structuration. L’apprentissage est un moyen et non pas une finalité. Parce qu’on ne vise pas l’acquisition d’un savoir on permet une meilleure intégration du savoir.

 

Prendre le risque de faire confiance à l’individu :

Le travail de structuration ne peut être envisagé qu’avec la participation effective de la personne et non pas malgré elle. Le formateur peut soupçonner les causes des difficultés des apprenants, mais il ne peut en aucun cas en être sûr ; le développement des capacités ne doit pas devenir son objectif.

 

Faire vivre la « situation » :

Les éléments du dispositif de formation devront tous être présents en même temps et l’individu sera confronté à tous en même temps, exactement comme dans la vie. Le rôle du formateur est d’être garant de la place de chacun de ces éléments, chacun d’eux restant un moyen de structuration et non pas une finalité de la situation de formation.

Ainsi le groupe pourra-t-il jouer un rôle actif dans la structuration globale d’un individu, comme tous les autres éléments de la situation.

 

Simonne Ramain a compris son importance et n’a jamais envisagé sa pratique pédagogique autrement qu’en groupe. Le projet de sa Pédagogie est de permettre à la personne de se mettre en route pour devenir autonome. Faisant confiance à l’individu, elle crée par le biais de sa méthode un dispositif complexe et riche, dans lequel chacun est responsable de sa structuration.

« J’ai fait tout cela pour que chacun puisse choisir » dit-elle.

 

Le projet de Simonne Ramain n’est pas de préparer les personnes à la réussite du baccalauréat, mais de leur donner les moyens de leur réussite personnelle qui leur permettra de vivre un avenir où, peut-être, elles feront le choix de passer le baccalauréat.

Odile CAZES-BOUCHET

Le Bourg (46) 1995

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    Si l'être est conscience, c'est en développant cette  conscience  qu'on développe l'être

    Simonne Ramain

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